La rotonde de Pierre Tamis

 

Situé à l’extrémité ouest du village de Port Launay, au delà des rochers de Pierre Tamis, l’édifice était connu sous le nom de cale de Port Launay, et daté du XVIIème siècle dans la tradition locale. On pensait qu’il était lié à l’activité maritime du Port Launay.  Le village, bien qu’aujourd’hui distant de la Loire, était aux XVIIème et surtout au XVIIIème siècle l’avant-port de Nantes, permettant d’accueillir des navires de 200 à 300 tonneaux, qui ne pouvaient remonter jusqu’à Nantes à cause des mauvaises conditions de navigation en Loire.

 

Une équipe d’archéologues de l’Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap) a travaillé à Pierre Tamis en octobre 2007, pour effectuer un diagnostic archéologique sur cet édifice du XVIIème siècle. Cette opération archéologique combinée à des recherches historiques a totalement remis en cause notre connaissance de ce lieu.

 

Sur le terrain : quelques passages de la pelleteuse et le rocher

Dès le début l’opération, le résultat est surprenant : le rocher affleure au pied de l’édifice. Compte-tenu des connaissances sur le niveau des eaux de la Loire au cours des derniers siècles, il apparaît improbable que des navires aient jamais pu approcher l’édifice, même de petites embarcations.

 

A une trentaine de mètres de la construction, les sondages nous montrent que le rocher s’enfonce, et que vase et sable ont comblé la dépression.

 

L’étude historique

S’agissant de périodes historiques récentes, il est possible de confronter les informations issues du terrain avec les archives.

 

Où coulait donc la Loire ?

L’étude de plans anciens permet aux archéologues d’en savoir plus, et il semble bien, malgré l’imprécision des cartes anciennes, que le pré où se trouve la cale  ne se soit jamais situé dans le lit navigable de la Loire.  Sur le cadastre napoléonien de Couëron, datant de 1825, on ne trouve pas non plus de représentation de l’édifice.

 

Le document le plus ancien qui mentionne l’édifice date de 1860. Il le décrit précisément : la rotonde plantée d’arbres, les bancs, les rampes pour descendre vers le pré, les cyprès chauves qui s’y trouvent…mais il n’est question ni de cale ni de navires.

 

Un profil très précieux donne les cotes de la Loire qui n’atteint même pas l’édifice lors des grandes marées.

 

La borne

L’étude documentaire indique que des bornes de ce type ont été mises en place sur la Loire à partir de 1848.

Un plan de 1878 représente deux bornes autour de Pierre Tamis. L’une est une borne kilométrique (K72), l’autre, celle qui a été retrouvée, est une borne de nivellement (R427D). En un peu plus de 150 ans, deux mètres de vase se sont déposés à cet endroit, ce qui correspond à la période d’endiguement de la Loire de Nantes au Pellerin au milieu du XIXème siècle.

L’étude de laboratoire

Ce que disent les sondages, le mobilier…et la vase

 

La vase et les sondages

L’étude des sédiments permet au géomorphologue de comprendre dans quelles conditions ils se sont déposés. Les sédiments grossiers (sables, graviers) se sont déposés dans des milieux de fort courant, tandis que les sédiments fins (limons, vases qui apparaissent sur la photographie) l’ont été en période d’eaux stagnantes (crues).

 

Le mobilier

Le mobilier, c’est à dire les tessons de poterie, terres cuites, os… a été retrouvé essentiellement au pied des rochers. Le mobilier présentant un intérêt est enregistré et dessiné par les archéologues.


Certains tessons, notamment à cause de leur percement en partie inférieure, peuvent être rapprochés des « ponnes » ou « cuveaux » traditionnellement utilisés comme lessiveuses.
Quelques fragments d’époque gallo-romaine ont été retrouvés, mais la plus grande partie du mobilier date de la fin du XVIIIème au début du XXème siècle.

 

De quand date l’édifice ?

Le mobilier trouvé lors de l’opération ne permet pas d’apporter des éléments de datation précis et la construction en pierre sèche n’est pas assez caractéristique pour être datée.

 

À quoi servait-il ?

La construction de Pierre Tamis n’a jamais pu être une cale. En effet, compte tenu de la hauteur du rocher au pied de l’édifice, même les embarcations de petite taille ne pouvaient l’atteindre.

 

Pour l’instant, ni les sources archivistiques, ni les données archéologiques n’ont permis de connaître précisément l’époque et la fonction de la construction.

 

Il semble néanmoins probable que son usage fut lié à l’activité maritime du Port Launay, très intense au XVIIIème siècle. Les constructeurs de l’édifice prirent soin de l’installer au point le plus élevé, et de la rotonde, on pouvait embrasser une vue très large sur la Loire. De cette position est née l’idée qu’il fut un poste d’observation ou un sémaphore pour les rêveurs. Cependant, les archéologues et les historiens n’ont aucune certitude à ce sujet, mais les recherches se poursuivent.